vendredi 28 mai 2010



Notre séance de cinéma sur les mamans c'était que du bonheur. Les gens commencent à me connaître et vice-versa, et j'adore cette communauté, elle est si chaleureuse. Il y avait énormément de monde. On avait installé des bâches et tout un attirail anti-pluie....et bien sur pas une goutte...Je vous met le diaporama des photos que j'ai prises. Ils étaient surexcités de se voir à l'écran. Jeudi prochain on va faire une séance sur le thème du rire avec des épisodes de Charlot, des Tom et Jerry et d'autres petits dessins animés. Je vais faire un diapo photo pour arrière-plan en attendant que la nuit tombe, je vais demander aux enfants de me faire leur plus belle grimace.
Hier mon rendez-vous chez l'UNICEF a été très productif. La femme que j'ai rencontré (une espagnole) est géniale, elle était très emballée. Alors pour faire court, avec les 3 animateurs haïtiens avec qui je travaille, on va se lancer dans un MEGA projet avec l'UNICEF. Je suis aussi excitée que terrorisée. Je suis en train de remplir les formulaires etc, c'est un peu long. En gros on veut poursuivre les animations qui étaient mises en place pour 3 mois financées par le PNUD qui ne refinancera certainement pas. L'UNICEF veut bien nous financer mais ils préfèrent qu'on inclue un volet formation des jeunes. Du coup on est en train de se lancer dans un gros projet qui toucherait les enfants de 3 à 22 ans. De 16 à 22 ans les jeunes auront la possibilité de s'inscrire dans des formations (artisanat, couture, électricité, on est en train d'en discuter). Pour les plus jeunes il y aura de la danse, peinture, sport, théâtre, musique...C'est compliqué à mettre en place mais si on y arrive on a peut-être une chance d'être financé par l'UNICEF car « l'argent ne manque, c'est les bons projets qui font la différence » (dixit la dame que j'ai rencontré). Je n'ai jamais fait de « proposal » (demande de fonds) mais j'apprends et je demande conseil. J'ai des réunions pour décider des budgets et des activités qu'on va choisir. Je suis très enthousiaste d'autant plus que la communauté est très motivée elle aussi et que nos animations avaient remporté un franc succès, et surtout ont permis aux jeunes de faire connaissance (après le séisme, beaucoup ont changé de logement et de quartier). Avant la séance de cinéma, lorsqu'on installait le matériel, les enfants de 4 à 18 ans se sont mis ensembles (une quarantaine d'enfants) et ont commencé à jouer à des jeux. Les plus grands aidaient les petits. C'était très émouvant, tout le monde participait. Julien, l'animateur, m'a dit que cela n'existait pas avant. On travaille énormément (j'ai travaillé 12 heures aujourd'hui) mais des moments comme cela, ça n'a pas de prix.

mardi 25 mai 2010

Les journées sont longues, et de plus en plus remplies. Arrivée au bureau à 8h et c'est rare d'en partir avant 18h. En ce moment j'ai beaucoup de travail, pour vous donner quelques exemples je fais un recensement des situations de logement de nos staffs pour ensuite chercher un bailleurs pour nous donner des tentes, je fais des inventaires de matériel, des interviews pour le siège d'EDM, je vais être chargée du rapport de fin d'activité et de la nouvelles demande de fonds au PNUD, et j'ai pleins de petites tâches qui me sont confiées par les uns ou les autres. Ca me plaît bien car comme ça je vois plusieurs aspects de l'action d'urgence. Ce matin par exemple je suis allée à SOS children's village, un village pour enfants orphelins (de 150 enfants avant le séisme ils sont maintenant plus de 400) où les enfants sont dans des conditions vraiment bonnes: une école, des maisons de 8 enfants avec une "mère" qui la gère et leur fait la cuisine, des salles de jeux, des animations etc. Bref, j'y suis allée parce que Franck voulait que j'aille y rencontrer l'américain qui a fait construire des maisons en polypropylène pour loger les enfants récemment arrivés. C'était intéressant leurs constructions se ont pas franchement belles mais bien pensées. 
Sinon je prépare aussi la séance de cinéma de jeudi soir, spéciale fête des mères où on passera deux court métrages haïtiens et on fera plusieurs animations sur le thème des mamans. J'ai passé l'après-midi à crapahuter dans les hauteurs de Carrefour Feuilles (là où nous faisons les séances) afin de prendre des photos des mamans et de leurs enfants pour faire un diaporama. C'était sympa, j'avais un petit groupe d'enfants qui me suivait partout (à noter que si aux Philippines j'étais "Ate Jo", ici c'est "mademoiselle violaine". Ca me fait rire. La seule chose avec laquelle j'ai du mal c'est que les haïtiens, quand ils vous voient, ils crient toujours "blanc, blanc!!". C'est leur façon d'attirer l'attention et de vous saluer, quand j'entends ca je sais que c'est pour moi mais c'est assez embarrassant. 
Jeudi j'ai mon premier rendez-vous à la log base avec l'UNICEF (là où il y a l'ONU) pour un projet dont je suis moi-même chargée (je vous en parlerai quand ça avancera...), je suis impressionnée mais contente!
Sinon dans le genre information d'utilité nulle (mais que j'aime partager quand même!), j'ai changé de chambre, fini les souris et les bêbêtes en tout genre au sous-sol, et bonjour la super chambre lumineuse et spacieuse :-D J'ai même pu accrocher toutes mes photos de vous.
Je termine ce post pas tellement intéressant par une photo que j'ai prise aujourd'hui et que j'aime beaucoup, cette petite a un caractère bien à elle mais elle est trop chou.

dimanche 23 mai 2010

Cinéma en plein air...sous la pluie


15h30, j'attends l'animateur haïtien qui travaille avec moi sur le projet du cinéma. La psy (dsl de l'appeler toujours « la psy » mais j'ai pas eu l'autorisation de mettre les prénoms sur ce blog) voulait lui parler en tête-à-tête avant car ces temps-ci il est souvent absent, compte toutes ses heures, et n'est franchement pas concentré dans son travail. J'entends des cris dans le bureau, ça part en insultes et finalement l'animateur me dit que c'est hors de question qu'il vienne avec moi. Je me retrouve seule au volant du 4*4 pour aller chercher l'ingénieur du matériel de ciné. Miraculeusement je trouve mon chemin sans encombres et on monte dans les hauteurs de Port-au-Prince par de petites rues pour aller à Carrefour feuilles (là ou nous faisons les projections). Le ciel est menaçant mais on essaie de ne pas trop y prêter attention. L'installation se fait devant la curiosité des enfants venus observer cet étrange écran gonflable. Puis la nuit tombe, et Kirikou entre en scène. Les enfants sont fascinés...trop beau pour être vrai! « Dame pluie » ,comme certains l'appellent, fait une entrée fracassante. On s'attendait à ce que tout le monde rentre se mettre à l'abri sous leurs tôles car les haïtiens craignent beaucoup la pluie. Mais que neni, les enfants se pressent tous sous le petit auvent de l'ingénieur. Je sors une bâche et je m'y installe avec quelques enfants. Un petit me dit qu'il a les fesses trempés, il vient s'asseoir sur mes genoux. On a l'air fins à 10 sous notre petite bâche comme des clandestins. Qu'importe, mon petit gars me donne le sourire. Il est a fond: « ahhh c'est Karaba la sorcière:!!! » « noooon attention Kirikouuuuuu » « je suis sur que Kirikou va gagner » etc. Fin du film, les enfants nous demandent tous à quand la prochaine projection. Jeudi prochain normalement. On démonte le matériel sous la pluie torrentielle. Petite frayeur pour redescendre le 4*4 dans les petites ruelles très très très pentues, glissantes et pleines de gravas.
Bref, première séance pleine de rebondissement mais quel bonheur de voir l'enthousiasme de la population. Notre carburant, ca reste le sourire de ces enfants.
Sinon aujourd'hui dimanche à la maison car je suis un peu malade. Cette semaine, on va essayer de sortir pour se « sociabiliser » car à 3 dans la maison on va exploser. Mais la sociabilisation dans le milieu humanitaire c'est pas mon truc, j'enchaîne les boulettes. Dernière en date : un gars qui me paraissait être un gros dragueur vient me dire « on ne s'est pas rencontrés à l'OIM par hasard? » Il ne me dit rien du tout et j'en viens à la conclusion que c'est juste un moyen d'aborder les filles et de leur demander un truc aussi banal que « on s'est pas vu à la log base? » (là ou il y a l'OIM, et où tout le monde va un jour ou l'autre). Je l'envoie bouler en disant sèchement que j'y suis jamais allée. Puis j'entends que Manon (ma colloc' et l'admin « cash for work ») discute avec lui. Elle vient me voir et me dit « tu te rappelles on l'a vu à l'OIM? » « Ce gars il est super bien placé, c'est avec lui que tu dois voir pour obtenir les tentes (les tentes que je veux avoir pour notre staff qui pour la majorité dort dehors) ». OoOoOoOps.... Voilà il faut toujours être aimable et gentille avec les gens car ici c'est un tout petit monde malsain et tout marche par réseau. Si tu avoir une chance de te faire soigner il est indispensable d'avoir un contact à MSF. Si tu veux des tentes, un contact à l'OIM. Si tu veux que quelqu'un paie ta rançon quand tu te feras enlever, un contact à l'ambassade....etc!

vendredi 21 mai 2010


J'avais bien la pêche pour faire un post teinté d'optimisme et de bonne humeur. Et tout d'un coup lors que je me met à écrire le ciel nous tombe sur la tête. Rafales de vents a faire plier les arbres et l'eau qui ne s'arrête pas de tomber en trombes. Ces jours-ci il pleut le soir, une à deux heures tous les soirs. La majorité de gens ont leurs tentes complètement inondées et doivent dormir les pieds dans l'eau en attendant le soleil du lendemain. Et à chaque fois qu'il pleut ca me fait vraiment mal au coeur. Je n'arrive pas à bien décrire les choses, mais Port-au-prince est un ensemble de tentes. Même les gens dont les maisons ne sont pas tombées dorment dehors par peur. Il n'y a que les blancs qui dorment au sec.
Mais je vais quand même vous raconter ma (bonne!) journée en croisant les doigts pour que l'eau arrête de tomber. Hier et aujourd'hui nous avions des formations pour les animateurs qu'on pense embaucher. Hier je n'étais pas trop à l'aise mais aujourd'hui je me suis lâchée :-D On était pas beaucoup car la psy avait des choses a régler avant son départ. Quand j'ai vu arriver les participants (sur les deux jours, environ 50 participants) je n'étais pas rassurée. C'était que des gars costauds. Remettons les choses dans leur contexte: ces animateurs viennent de Cité Soleil, on est une des seules ONG assez kamikaze pour accepter de mener des « cash for work » (programmes en assainissement et animation post-urgence pour que les gens travaillent contre un salaire) à Cité Soleil. C'est un immense bidonville pas tellement dévasté par le séisme mais ca reste l'endroit le plus dangereux de Port-au-prince (et même du Monde, dans la série favellas au Mexique, Soweto en Afrique du Sud...). C'est bien simple, on voit qu'on arrive dans Cité Soleil quand les maison ressemblent à celle sur la photo, c'est-à-dire criblées de balles. Je vous passe les détails (disons qu'avant le séisme la situation s'était améliorée en termes de sécurité et après le 12 janvier, toutes les prisons se sont effondrées...donc les bandits ont retrouvé leur business!).
Je devais mener des activités de lecture, écriture et relaxation (là je suis rodée car avec tous les cours de sophro que j'ai suivi...) pour ces animateurs. J'avais pour consigne de FERMER ma gueule si il y en a qui ne respectaient pas les règles etc. Ne jamais monter en violence. Mais j'ai eu une super surprise. Ils ont été tout simplement géniaux, c'est des artistes au talent fou, poésie, théâtre, danse, ils sont impressionnants, j'en perdais mes mots. Les activités de relaxation se sont parfaitement déroulées, ils comprenaient tous mon français et se sont montrés très intéressés. Ils vont être payés 3 euros par jour pendant 3 mois dans le cadre du programme, c'est 3 fois rien vu leur expérience mais ils sont obligés d'accepter de telles conditions. Théâtres, crèches, cinémas, salles de danse etc. se sont effondrés, plus personne n'a de boulot. Et même les profs de foot n'en ont pas car il ne reste pas 10m² à port au prince qui ne soient recouverts de tentes. Mais malgré cela ils gardent la pêche. Ils racontent en poésie leur histoire, le séisme, et l'avenir avec une beauté et une force qui vous font chavirer. Je vais essayer de vous récupérer quelques textes!
Bon ca n'a pas non plus été un long fleuve tranquille ces formations, pleins de pépins et je suis exténuée, mais contente. C'est enrichissant car ils n'ont pas les mêmes techniques d'animation que nous, c'est un apprentissage réciproque.
Demain soir commence le théâtre en plein air. Je flippe car tout n'est pas prêt. Et surtout que l'animateur haïtien qui bosse avec moi là-dessus m'a bien fait comprendre que comme c'était un samedi, c'était franchement pas sur qu'il vienne... je vous raconte cela demain hein!
Ps: il pleut encore plus maintenant.

mercredi 19 mai 2010

« Qu'importe le malheur si nous sommes malheureux ensembles » proverbe indien.

La psy a craqué. Ce matin elle nous a annoncé qu'elle part lundi. Définitivement. Elle est à la tête d'un programme énorme, on n'est déjà que 4 expats en tout et pour tout alors ca va être l'enfer. Ce départ est pour moi l'occasion de vous faire part de cet aspect des choses: la dépression ou crise de nerfs est très fréquente dans le milieu humanitaire. Et pas seulement chez les urgentistes qui voient des corps déchiquetés. C'est le malheur des un qui fait le malheur des autres. Ou plutôt non. C'est l'incapacité de sortir les autres de leur malheur qui vous entraîne dans la même spirale. Les humanitaires sont stressés, overbookés, travaillent sous pression, sont loin de tout. Et surtout, je crois qu'ils doutent. Tout le monde ici est d'accord pour dire que c'est dur, certains disent que c'est la situation la plus dure qu'ils ont vécue. Pourquoi? Parce que c'est une cacophonie générale, et le travail humanitaire est mal fait. Il faut arrêter de se faire croire qu'on sauve les haïtiens. Non, c'est MAL FAIT. Ce matin dans Le Nouvelliste, le journal national, un économiste haïtien titrait « pour la survie de l'économie haïtienne, espérons que l'ONU ne tienne pas ses promesses. Les 10 milliards de dollars tueront notre économie ». Il fustigeait les ONG qui envoient leurs bureaucrates qui n'ont jamais vu Haïti sur le terrain donner des choses qui ne sont pas adaptées. Comme ces bouteilles d'eau distribuées en masse alors qu'il y a de l'eau, il faut seulement la traiter (et maintenant il y a encore plus de déchets plastiques). Comme toutes ces personnes qui n'étaient pas affectées par le séisme et qui se retrouvent aujourd'hui à sec car leur business ne marche plus, elles veulent vendre, et les blancs donnent (sur 4 interviews que j'ai faites, 2 femmes étaient dans ce cas là). Les ONG elles-mêmes reconnaissent l'impasse dans laquelle elle sont. L'article était très bien écrit (à l'occasion je vous le scannerai), et surtout tellement vrai.
Ce que j'aime dans la microfinance c'est que justement, c'est les haïtiens qui décident ce dont eux ont besoin. Et en prêtant de l'argent, on leur permet de redémarrer leur activité économique. C'est dans cette optique là que l'aide internationale est, à mon goût, justifiée. Mais la perfusion humanitaire actuelle est en train de paralyser le pays. Ce matin j'étais en route pour le camp de base de l'ONU, sur tous les murs on pouvait lire « Aba ONG, volè » (a bas les ONG, voleurs).
La photo que je vous ai mise a été prise sur le site http://heartofhaiti.wordpress.com/2010/04/10/graffiti-in-port-au-prince/, allez jeter un coup d'oeil c'est pas mal fait (moi en voiture j'ai du mal à prendre des photos).
Pour "Titid" (Aristide), je vous ferai un topo politique (attention ca risque d'être pas bien joli joli) dès que j'aurai bien tout pijé (parce que chacun a sa version des choses ici).
On est passé devant l'aéroport, des cargaisons de blancs arrivent tous les jours. « Bientôt il y aura plus de blancs que d'haïtien » a blagué notre chauffeur.
Je lutte contre mon pessimisme, contre ma désillusion, contre la colère qui gronde en moi et qui croit de jour en jour. Je retiens cette envie d'hurler, de pleurer, de tout plaquer.
Le départ de la psy annonce des moments durs, mais au moins je ne serai plus oisive, là pour le coup j'ai énormément de travail. J'ai même gagné une nouvelle chambre (oui, je sais, c'est égoïste de se réjouir de ça). Les formations des animateurs commencent demain, et samedi c'est la grande première du cinéma ambulant, le projet dont je suis chargée. Je veux avoir le plus possible de travail pour arrêter d'avoir le temps de penser et réfléchir. Je sais, c'est con.

ps: ce matin on avait rendez-vous avec un militaire français pour parler de notre "protocole sécu" (je précise: c'est à chaque ONG de décider de son protocole et de se faire des petits contacts chez les gens utiles, genre MSF quoi). Verdict: on est à un "niveau de sécurité zéro". Quand je lui ai dit que je ne onnaissais pas mon groupe sanguin ni mon numéro de sécu, ni les numéros de mes assurances rapatriement j'ai cru qu'il allait faire un arrêt cardiaque..Non on a pas de couvre feu, non on n'a pas de gardien devant la maison (ou on est 4), non on n'a pas toujours un chauffeur. On va faire des efforts de sécu (je vais apprendre mon groupe sanguin) mais faut pas non plus délirer...

vendredi 14 mai 2010

Un jour aux Nations Unies


Aujourd'hui, visite du camp des nations unies (pas visite en touriste, c'était pour des demandes de fonds divers), la MINUSTAH (MIssion des Nations Unies pour la STAbilité en Haïti si je me rappelle bien). C'est une ville au milieu de la ville.
Moi j'étais comme un gamine, c'est impressionnant, tous ces casques bleus de toutes les nationalités, tous ces bâtiments, ces véhicules... Le camp est constitué de préfabriqués blancs bien alignés. OCHA, PNUD, UNICEF, OIM, HCR, PAM, DSS,... il faut s'y retrouver. Autant vous dire que quand on va à la MINUSTAH, c'est pour la journée. C'est une bureaucratie des plus complexes, il faut passer contrôle de sécurité sur contrôle de sécurité et bureau de secrétariat sur bureau de secrétariat. L'atmosphère qui y règne est étrange comparé au reste de la ville. C'est calme, propre, on entend parler une langue différente tous les 5 mètres (mais une grande majorité d'américains et de français il m'a semblé), les gens sont tous en uniformes ou bien habillés avec leur petit badge autour du cou. On dirait un village de playmobils. Et surtout , il y a la clim' :-D. Le bureau qui m'a le plus marquée c'est l'OIM (Office of International Migrations). Vous êtes accueillis à la réception par ce joli tableau.
Des haïtiens affolés sur un tout petit bateau, avec des requins qui les menacent et un bateau américain en arrière plan. Sympa non comme accueil dans une office des migrations? Alala, je vous jure des fois! Ensuite on est allés manger dans leur super caféteria, très chere mais quel plaisir de pouvoir commander du poulet bien grillé, des hamburgers, des salades. La fille a côté de moi avait une assiette qui faisait très envie: un bon poulet, des frites bien dorées, des tomates. Elle a mangé deux frites et a fait signe à la serveuse pour qu'elle vienne lui débarrasser son plat. Sur son tee-shirt on pouvait lire en gros « World Food Program » (Programme Alimentaire Mondial)...lol....
Visite intéressante mais ils vivent vraiment dans leur bulle on se demande s'ils ont déjà mis les pieds dans le vrai Port-au-prince.
Avec l'équipe ça va, je suis la gamine du groupe mais mon jeune âge excuse toutes mes bêtises et ma sensibilité parfois trop démonstrative, c'est cool :-D. Je fais des efforts avec la psy pour que ca se passe bien, et la tension est redescendue.
Sinon dans un autre registre il y a eu des enlèvements de blancs cette semaine. On ne sait pas ou, ni qui, ni quand mais c'est bien arrivé. Les autorité de sécurité ne veulent rien laisser passer comme info car cela se règle par un chèque sous la table en toute discrétion pour pas semer la panique et faire trop de pub en faveur du kidnapping. Toutes les ONG ont revu à la baisse leur couvre-feu (bientôt MSF ils ne sortiront plus leurs ambulances après midi...?). Nous, nous n'avons pas de couvre feu ni de règle précise mais on fait quand même attention, je n'ai pas le droit de sortir seule et j'ai des numéros en cas d'urgence. Il y a faire attention et il y a paranoïa, il ne faut pas tomber dans le deuxième excès.
Le semaine prochaine je dois organiser des activités pour la formation des animateurs (décidément dans ce post je passe du coq à l'âne), une formation pour une activité de lecture écriture, une pour de la relaxation, et enfin pour « art et créativité ». Si vous avez des idées d'activités je suis preneuse!!! (HELLLLLPPPPPPPPP).

jeudi 13 mai 2010

"La vie, c'est comme une bicyclette, il faut avancer pour ne pas perdre l'équlibre" A. Einstein

Mon dernier post n'était pas franchement joyeux. Merci à tous ceux qui m'ont envoyé des mails pour me dire de me remettre d'aplomb et de ne pas baisser les bras.
J'ai pas beaucoup dormi et j'ai beaucoup réfléchi. Au final, on peut faire une analogie avec le problème du réchauffement climatique. Tout le monde voit qu'on va dans le mur, on le sait. Pourtant les moyens d'éviter cela demandent une telle coordination que ca décourage tout le monde et il n'y a pas de ligne générale à suivre donnée par un acteur international. Ici, c'est un peu le même cas: on court à l'échec, mais se coordonner est une tâche si énorme qu'aucun acteur n'arrive à prendre le dessus. Si l'ordre d'organisation ne vient pas d'en haut alors il doit venir d'en bas, venir des efforts collectifs de chacun. C'est la conclusion a laquelle j'en suis arrivée. Je n'ai pas le pouvoir de changer quoi que ce soit au niveau général, autant se le dire tout de suite. Mais de tout petits efforts porteront peut-être, à leur échelle, leurs fruits. Je suis donc en train de me renseigner sur les associations qui travaillent dans le même domaine que nous pour qu'on essaie au maximum de se coordonner, de coopérer.
J'ai quelques soucis d'entente avec la psy, je vous passe les détails sans intérêt mais pour résumer elle se considère comme la chef des chefs et je ne suis qu'une pauvre stagiaire à sa botte. Le seul moyen de tirer mon épingle du jeu c'est de me diriger vers des terrains qui ne sont pas les siens. J'enchaîne donc les projets, de la tâche la plus simple au projet de plus long terme. En ce moment je rédige des témoignage pour la communication d'EDM. C'est intéressant d'aller à la rencontre des gens mais c'est aussi très dur. Ce matin une dame me montrait un tas de gravas a coté de ses tôles. La maison voisine s'est effondrée sur son habitat de fortune, tuant deux de ses enfants, dont le premier qu'elle a retrouvé mort en soulevant elle-même les pierres. Son mari est infirme depuis ce jour là et elle n'a aucune source de revenu. Cet après-midi, j'ai rencontré une autre dame qui a perdu sa fille alors qu'elle était à l'école. Elle non plus n'a plus rien et elle m'a expliqué qu'aujourd'hui c'était encore plus dur car ses deux petites filles avaient été renvoyées de l'école. Cela fait 3 mois qu'elle ne peut plus payer les 10 euros mensuels de frais de scolarité. Ses filles étaient à l'école privée car pour rentrer dans les écoles publiques en surreffectif, il faut payer un « facilitateur » (comprendre une personne véreuse qui a de bons rapports avec l'administration de l'école) et cela se paie au minimum 80 euros...Trêve de commentaires.
J'ai aussi des projets de plus grande ampleur en tête mais je vous en parlerai un peu plus tard.
Je trouve le temps long, je ne suis pas très bien dans ma peau ici, mais je ne veux pas laisser tomber si facilement. Je m'accroche comme je peux.

lundi 10 mai 2010

Il y a des jours avec. Et il y a des jours sans.

Aujourd'hui, c'est un jour sans.
Je ne suis qu'une loque, je me sens terriblement inutile, j'ai l'impression d'assister à un spectacle mal orchestré, qui n'a aucun sens. Je cherche le sens. Désespérément. Les gens vont et viennent. Font des reportages. Prennent des photos. Les bailleurs sont contents, ça fait bien de donner à Haïti en ce moment (cf. la liste des entreprises qui ont fait leur BA de l'année: http://www.admical.org/default.asp?contentid=2534). Les ONG jonglent avec les fonds, se lancent dans ce qu'elles ne savent pas faire (hier un humanitaire fustigeait les urgentistes qui veulent faire du développement et ceux du développement qui se lancent dans l'urgence). Le gouvernement haïtien fait des tournées internationales, récemment en France. Sean Penn habite sous tente dans un camp. Les intellectuels réinventent avec frénésie l'Haïti de demain.
MAIS DANS QUEL SENS BORDEL? Ou sont les haïtiens là dedans? Pourquoi tout le monde est d'accord pour dire qu'il y a beaucoup d'argent, beaucoup beaucoup d'ONG et beaucoup beaucoup beaucoup de choses à faire et que pourtant tout avance si lentement??? Pourquoi il n'y a même pas un dizaine de tractopelles pour dégager les rues encombrées et pourquoi les gravas sont toujours là (réponse possible: quelle acteur du développement est intéressé pour mettre en comm' "a rammassé les gravas"? c'est plus sexy "a ouvert un orphelinat")??? Ce n'est pas la faute aux ONG, ce n'est pas la faute aux bailleurs, peut-être même pas la faute du gouvernement (inexistant). Et pourtant. Je vous jure que je voudrais y croire, je voudrais ne pas être cynique comme ca. Mais là je suis pommée, je suis là sans être là, je regarde Port-au-prince, je vois un arrêt sur image. Rien ne semble évoluer, rien ne semble changer. Oui ca fait juste deux semaines que je suis là. Oui je juge peut-être trop vite. On me dit «oui tout n'est pas parfait dans les ONG mais la tâche est très difficile», «c'est facile de critiquer»... ou la répartie la plus répandue «Certes il y a des lacunes, mais ce serait pire sans l'aide internationale». C'est une affirmation que personne ne dément. Sans MSF, beaucoup plus de morts, sans ACF, une famine, sans Oxfam, un manque d'eau, sans la MINUSTAH, l'insécurité... Aujourd'hui, pour la première fois, je me suis demandée ce que ce serait sans toute cette bande de blancs (moi la première, puisque d'une inefficacité remarquable). Et je ne mettrais pas les deux mains à couper que ce serait pire....
Voilà ou j'en suis. J'en suis moi-même désolée. J'ai 20 ans et d'un coup j'ai l'impression d'en avoir 90, de me dire qu'il n'y a rien a faire, on va dans le mur.
Soit je trouve un sens à ma présence ici vite fait. Soit...je n'en trouve pas. Et je récupère un siège dans l'avion.

vendredi 7 mai 2010

"L'art est un effort pour créer, à côté du monde réel, un monde plus humain" André Maurois

Ca y est j'ai un poste. On m'a laissé choisir. Finalement je travaille sur le volet psycho-social. Je m'entends bien avec la psy du groupe, elle est très dynamique et me propose de travailler avec elle sur le volet "social", l'animation. Au début j'étais pas trop chaude pour ça car dans ma tête c'était pas le plus important en post-urgence. Mais j'ai changé d'avis. Haïti est très riche de par sa culture. C'est la deuxième chose qu'on remarque en arrivant ici (après le fait que la ville n'est qu'un champs de ruines). Les murs qui ne sont pas tombés sont couverts de fresques et peintures, il y a beaucoup d'artistes, de danseurs, chanteurs, écrivains... L'art est une façon de faire passer un message d'espoir et de volonté de s'en sortir. C'est très important de faire perdurer ca et de permettre aux enfants désoeuvrés des nombreux bidonvilles (en fait Port-au-prince est un bidonville de tentes géant) de s'exprimer à travers diverses activités. On travaille en ce moment en animation à Carrefour Feuilles, un quartier dévasté, où les morts ont été très nombreux. Beaucoup d'enfants sont orphelins et de fait déscolarisés et ces animations sont pour le moment leur unique chance de s'en sortir.
En ce moment, je suis chargée d'un projet de cinéma ambulant en plein air en partenariat avec l'Alliance française. J'ai du choisir 10 films avec l'haïtien avec qui je travaille, puis l'alliance française met à notre disposition tout le matériel. Demain j'ai une formation toute la journée pour apprendre à utiliser le matos puis une projection est donnée dans un camp de militaires. Je suis aussi invitée pour un festival de cinéma en plein air la semaine prochaine par une autre asso. Bref, ca me plait bien. Ce matin on m'a aussi emmenée voir les différentes activités d'animations qui étaient mises en place. Percussions, danse, c'est des perfomances de très bonne qualité, ca donne les larmes aux yeux. Voilà un post pour vous dire que tout n'est pas si noir, que même si j'ai critiqué assez fortement MSF, sans eux le bilan des morts serait beaucoup plus élevé et qu'ici à Port-au-prince, la vie reprend peu à peu le dessus. Il n'est cependant pas possible d'essayer d'oublier le 12 janvier, les gravas sont partout, la ville est en ruines, les routes sont bloquées...bref. J'ai beau critiquer certains côtés de l'humanitaire, ce sont quand même des gens dévoués à leur cause qui travaillent plus de 11h par jour et qui ont une patience à toute épreuve. 
Sinon, j'ai appris ce soir que la MINUSTAH (les casques bleus) faisait des vols gratuit pour les humanitaires pour la République Dominicaine (parce que les urgentistes sont obligés de partir en vacances tout les 3 mois sinon ils dijonctent). Du Coup le week-end prochain (ou en juin) direction Saint-Domingue à bord d'un hélico des casques bleus (la classe :-P). 
J'ai essayé de vous mettre quelques photos sur http://picasaweb.google.com/100819161621126056390/HaitiTroisMoisSurLeTerrain?authkey=Gv1sRgCPalldHpmLS6Zg (je voudrais les mettre à gauche du site dans l'onglet "diaporama" mais douée comme je suis je n'y arrive pas).
Dernière chose, je me suis finalement résignée à dormir au rez-de-chaussée de la maison de 3 étages...

mardi 4 mai 2010

Eveillée en plein cauchemar. Humanitaires mais pas toujours humains.

18h: Une fille qui travaille avec moi a EDM s'effondre sur le sol, inconsciente. On tente de la réveiller, elle retombe dans les pommes. Et cela environ 15 fois. On s'inquiète, on s'affole. On est 4 autour et PERSONNE n'a de numéro d'urgence. Une demi-heure après on a un gars de MSF qui nous dit qu'il n'y a pas d'hopital public en fonction et que eux ont un couvre feu a 18h donc ils ne sortent pas les ambulances. On l'emmène donc inconsciente (je lui ai mis baffe sur baffe pour la réveiller) dans l'hopital MSF. Arrivée là-bas, que des médecins haïtiens qui sont très très lents, le tout paraît complètement surréaliste. Le personnel réagit a deux a l'heure alors qu'il y a une  queue de gens souffrants. Elle est rapidement prise en charge (car blanche surement) et un docteur blanc arrive pour s'occuper d'elle, averti par les ambassades. Je reste à ses cotés, mes yeux se posent sur ses voisins de droite et de gauche, des enfants avec des tubes partout, une mère en larme à coté de son enfant inconscient, un gars qui se fait recoudre la jambe en direct sur le lit d'à coté sans aucun anti-douleur...Des cris de douleurs qui proviennent de la salle d'attente...Pas un seul ventilateur. Finalement le docteur blanc nous dit qu'il va la mettre sous perfusion et qu' on doit attendre 45 min. Il vient donc, tout naturellement, nous proposer d'aller dans leur camp, à 50m de là, boire un thé. UN THE. Dans cette situation. Il nous emmène dans le camp de médecins blancs. Jeux de cartes, M&M's, bières, hamacs...tout est là. Eh oui, couvre feu oblige, c'est en majorité les docteurs haïtiens qui bossent la nuit. Je vous laisse imaginer mon état. J'étais tellement choquée que j'arrivais même plus a m'exprimer correctement. Humanitaire....où est l'Humain? Je sais que les urgentistes aussi ont besoin de repos. Mais là c'est vraiment insensé. Un gars de EDM qui était avec moi a réagi aussi violemment que moi et on s'est mis finalement MSF à dos...un peu con sachant que si ils nous arrive quelque chose il n'y a qu'eux pour nous sauver (m'enfin quand on voit leur matos il vaut mieux qu'il ne nous arrive rien de grave). J'ai fondu en larmes, je me sentais très en insécurité, dans une jungle humaine, vivante et réveillée et plein cauchemar. Aujourd'hui j'ai fait une fiche avec les numéros d'urgence...il n'y en a pas beaucoup m'enfin... Sinon pour couronner le tout on a aussi eu une secousse assez importante. Je fais des cauchemars la nuit du toit qui s'effondre je vais finir par aller dormir dans une tente. Je pourrais encore vous parler de ma matinée, ou je me suis rendue compte avec effroi a quel point les gens sont corrompus, mais ce sera pour une prochaine fois...
Ca a été très difficile pour moi ce passage aux "urgences". On m'a dit que j'étais trop sensible et que j'avais surréagi... Surement. Je sais qu'il faut garder de la distance. Mais excusez-moi,voir un docteur vous proposer un thé alors qu'une jeune femme enceinte hurle de douleur à côté de vous et n'est pas prise en charge par manque de personnel c'est tout simplement inadmissible.

lundi 3 mai 2010

A la découverte de l'aide internationale (et de ses aberrations)

Je vais essayer de ne pas être trop longue mais encore une fois, j’ai beaucoup de choses a raconter. Normalement, il y a une réunion demain avec toute l’équipe pour statuer sur ma tâche (enfin) car cette semaine j’ai pris connaissance des divers programmes et j’ai assisté à de nombreuses réunions avec le directeur d’EDM afin de me familiariser avec la situation. Il y a énormément d’incohérences dans l’aide internationale. Rien que concernant ma journée de samedi, voici les aberrations que j’ai relevées :

- Les américains sont présents sur le terrain très majoritairement par le biais des évangélistes. Samedi matin, à une cérémonie de deuil, le pasteur a dit : « mettez-vous bien dans la tête que Dieu a voulu cette catastrophe et nous devons accepter le nombre de morts ». Arg…

- Samedi après-midi nous sommes allés visiter le camp de réfugiés Corail, un peu en dehors de Port-au-Prince : des tentes blanches au milieu d’un désert de cailloux, rien autour, une chaleur insoutenable(cf les photos). Qui gère ca ? World Vision pour les tentes, Oxfam pour l’eau, l’OIM pour la sécurité, Save the Children pour la santé…tout ca dans une désorganisation la plus totale. Les 5000 personnes qui y sont vont-elles rester ? Doit-on construire des maisons ou attendre que la pluie ravage les tentes ? C’est loin de la ville, il n’y a pas de travail, quel avenir ? Faut-il y construire une petite ville comme on ferait un village de playmobiles (allez hop un magasin, hop un hopital, pourquoi pas une petite école…) ? Je vous avouerais que ca m’a beaucoup marquée (et choquée).

- A la tombée de la nuit me voilà rendue dans une soirée ACF (je vous laisse chercher ce que les abréviations signifient, c’est pour moi un vrai labyrinthe entre les HI, OIM, BID, MINUSTA, MDM, MSF, WINNER, HI5, PNUD, PAM, et j’en passe !). Ambiance pas si loin d’Erasmus, comme d’hab je suis la plus jeune mais tant pis ! J’ai eu des discussions très intéressantes sur l’aide internationale avec des humanitaires. Les urgentistes font leur action d’urgence (perfusion humanitaire) et les acteurs du développement…ne se causent pas vraiment entre eux. De nombreuses ONG veulent faire des « villages pilotes » avec leur vision des choses. Dans 3 ans Haiti ne serait qu’un puzzle de villages pilotes ? Autre chose impensable: "la surliquidité", ou la pression qu'on les ONG pour dépenser dans les délais l'argent des bailleurs (ceux qui donnent, donc nous quoi, l'UE, l'ONU, etc.). Dérive possible: de grosses dépenses inutiles et irréfléchies.

J’essaye de partager un peu les questions que je me pose mais face à cette vision négative des choses il y a aussi de gros efforts de la part des ONG d’innover et de tenter malgré tout de se coordonner pour vraiment changer la situation ici. Par exemple EDM se bat pour imposer le gaz face au charbon qui est massivement utilisé (cher et déforestation). Tout le monde est d’accord pour dire qu’il faut changer, mais ce n’est pas fait. Ne me demandez pas pourquoi…
Je commence à prendre un peu plus de photos, je vais les mettre rapidement dans une galerie Picasa.

samedi 1 mai 2010

Premières impressions


Il y a tellement de choses que j’ai envie de vous raconter que je ne sais même pas par ou commencer. Dans l’avion, j’ai fait des rencontres diverses et variées : des haïtiens domiciliés à Paris qui retournaient voir leur proches, un journaliste de Libération, 4 menuisiers charpentiers français, un étudiant français qui allait à Saint Domingue…
 A l’arrivée, il fait très chaud et c’est un brouhaha fou, mais heureusement Emilie d’Entrepreneurs du Monde m’attend avec un petit panneau « bienvenue Violaine ». Je suis ensuite très surprise par le luxe de l’endroit ou l’on loge : moi qui m’étais faite des films en pensant que ca allait être très rudimentaire, eh bien pas du tout ! Je vais vous mettre une photo dès que possible vous jugerez de vous-même. Le soir, il y a un repas avec d’autres personnes de différentes ONG et ensuite ils vont a un concert (moi je tombe de fatigue). Ca peut paraitre débile mais dans ma tête les humanitaires travaillent non-stop sans penser à autre chose pendant une courte durée qu’impose la mission. En fait c’est un métier plutôt comme un autre, tu travailles la journée et tu as tes soirées et tes week-ends en général ( même si c’est quand même plus prenant que d’autres métiers). Ici tout le monde se connait. Ils se sont rencontrés au Tchad, au Mali, en Equateur, en Ouzbekistan… L’humanitaire classique  ici a environ 30 ans, il a déjà parcouru plus de pays que le reste des gens ne le font en une vie, il ne prend pas de Nivaquine (anti-palu) car il a déjà le paludisme et il parle au minimum 5 langues. C’est un défi pour moi que de réussir à m’intégrer dans une équipe qui est plus âgée et  avec énormément plus d’expérience que moi. Je vous présenterai l’équipe EDM plus tard (ca va pas être long on est 4 français). 
Hier matin je suis allée à une réunion avec Oxfam qui présentait un rapport de recherche sur la situation post-séisme. Ce que j’en ai retenu c’est que tout d’abord tout est question d’économie. Tenez, un exemple. La chercheuse nous a expliqué qu’elle pensait que ce n’était pas un problème d’offre qu’on avait actuellement à faire sur le marché mais un problème de demande : les gens n’achètent pas. Pourquoi ? Parce que déjà ils n’ont pas d’argent et ensuite avec l’aide internationale massive gratuite ils n’achètent pas. Si on prend le cas emblématique du riz : les américains ont inondé le marché avec du riz en provenance des US et gratuit, ce qui a fait complètement plonger le riz local haïtien, et donc les producteurs de riz, même des régions qui n’ont pas été touchées, se retrouvent en grave difficultés financières.  La première grande aberration que l’on peut noter quand on arrive ici c’est le problème d’information et de communication entre les acteurs humanitaires. Il n’y a pas une institution qui fasse office d’organisme de coopération entre les ONG et j’ai l’impression que c’est un temps perdu énorme que les ONG passent à se rencontrer bilatéralement, ou en groupe, ou à essayer de se coordonner. L’exemple le plus frappant est sur les enquêtes de terrain. La chercheuse d’Oxfam disait qu’elle n’avait pas eu les moyens humains nécessaires pour faire une enquête plus précise, et chaque ONG est en train de dépenser du temps et de l’argent pour faire des enquêtes de terrains pour avoir des chiffres et des informations sur l’évolution des choses mais pourquoi n’y a-t-il pas une organisation internationale qui soit chargée de le faire (et de bien le faire !) ?  Ensuite ont été abordés les thèmes de la difficulté de faire d’Haiti un « pays viable, non plus sous perfusion humanitaire », dans un contexte où le gouvernement ne donne pas de politique claire aux ONG et que chacun met ses actions en place dans sa zone sans grande coordination générale. Bref, vous l’avez compris, la situation n’est pas des plus rose. Mais c’est très intéressant, j’écoute, certaines choses m’énervent, d’autres me laissent pessimiste, et enfin il y a quand même des petites lueurs d’espoir.. Je voudrais prendre des photos mais je n’ose pas, ce n’est pas comme aux Philippines où les gens sont très heureux d’êtres pris en photo. C’est impressionnant de voir que 4 mois après le séisme, les gravas sont encore au milieu des routes, les batiments les plus massifs (Eglises, supermarché…) sont effondrés et il y a des campements de tentes bleues partout dans la ville.